Une politique agricole commune durable

di Sabine Hamonet - 15 Luglio 2020

 from Paris, France

   DOI: 10.48256/TDM2012_00116

“Jusqu’ici la PAC n’a pas suffi à contrer le déclin de la biodiversité des terres agricoles, lequel représente une grave menace pour l’agriculture et l’environnement” (Viorel S., 2020).

L’une des volontés affichée par la Commission européenne pour les années à venir est de rendre l’économie de l’Union européenne (UE) durable par la mise en application du pacte vert pour l’Europe. Une activité économique est considérée comme “durable” ou “verte” lorsqu’elle est peu polluante, peu consommatrice de ressources naturelles et/ou lorsque sa finalité vise la protection de l’environnement (Greffet P. et al., 2012). L’intensification agricole est l’une des principales causes de la perte de biodiversité et de la dégradation des écosystèmes en Europe (AEE, 2019). En ce sens, l’UE prévoit des changements majeurs dans sa politique agricole.

L’agriculture européenne est régie depuis 1962 par la politique agricole commune (PAC) dans le cadre du marché intérieur qui favorise la solidarité et la coopération entre les États membres. Il s’agit d’une politique communautaire à succès : l’UE est la première puissance agricole mondiale avec 148, 6 milliards d’euros d’exportation entre 2018 et 2019 (Eurostat et Agreste, 2020). L’un des défis pour la période 2021-2027 est de rester compétitif tout en répondant aux objectifs fixés par la Commission européenne pour une agriculture verte.

 

La PAC 2014-2020 : un bilan négatif pour la biodiversité

La PAC représente 37,8% du budget européen pour la période 2014-2020 (Commission européenne, 2013), un investissement prépondérant qui se divise en deux piliers. Le premier pilier est le soutien aux marchés et aux revenus agricoles, il prend la forme d’aides directes. La PAC consacre 75,6% de son crédit à ce premier pilier (Parlement européen, 2020) qui est conditionné au respect des règles sanitaires et environnementales. La période 2014-2020 a inauguré le “verdissement” du premier pilier, soit les “paiements directs verts” liés au respect des pratiques agricoles ayant un impact favorable sur la biodiversité. Le second pilier représente quant à lui 24, 4 % du crédit alloué à la PAC pour la période 2014-2020 (Ibidem), il est cofinancé par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et les fonds régionaux ou nationaux. Le second pilier de la PAC a pour objectif de dynamiser les zones rurales en relevant les défis économiques et écologiques des territoires.

Les mesures en vigueur pour la période 2014-2020 ont marqué la volonté de l’UE d’avoir une PAC plus respectueuse de l’environnement. Cependant, un rapport de la Cour des comptes européenne publié en juin 2020, montre du doigt ses défaillances quant à son impact sur la biodiversité. Tout d’abord, les dépenses liées à la conditionnalité et aux paiements verts du premier pilier ne bénéficient pas d’un suivi “fiable” de la part de la Commission européenne (Cour des comptes européenne, 2020). Ensuite, la Cour des comptes européenne souligne que malgré le potentiel impact positif de la conditionnalité et du verdissement, les États membres et la Commission européenne ont privilégié “les options à faible impact” (Ibidem). Enfin, elle met en exergue le manque de coordination des stratégies et politiques communautaires pour le maintien de la biodiversité.

 

Une réforme abyssale pour la PAC post-2020

Le projet proposé par la Commission européenne pour la PAC post-2020 est encore en débat en juin 2020, il marque des changements majeurs. Le principe de subsidiarité est davantage poussé rendant la PAC plus adaptable aux spécificités des États avec le Plan stratégique commun (PSC). Le PSC est unique à chaque État membre, il regroupe le premier et le second pilier de la PAC et est axé autour de neuf objectifs communs fixés par la Commission européenne. Ces neufs objectifs sont principalement centrés sur l’environnement, la compétitivité et l’innovation. Les moyens pour parvenir à ces objectifs doivent être définis par les États individuellement et soumis à approbation de la Commission européenne. Dans le projet proposé, la conditionnalité des aides du premier pilier est renforcée. Les agriculteurs devront répondre à des normes plus élevées en matière d’environnement pour bénéficier de ces aides.

La délégation de pouvoirs aux États membres permet plus de flexibilité, cela émet la crainte d’une “PAC à la carte” (Bernard-Mongin C. et Martin. A, 2020). En effet, il s’agit d’une transition d’une politique véritablement commune à une politique générale variant selon les particularités de chacun. La capacité de la Commission européenne à encadrer cette flexibilité peut être interrogée puisqu’il n’y a que très peu de contrainte dans cette nouvelle politique axée sur le résultat (Erjavec E. et al., 2018). La pollution est transfrontalière, l’échelle la plus pertinente pour protéger l’environnement est sans doute l’échelle européenne. Par ailleurs, la planification et la mise en œuvre du PSC sera un défi majeur pour tous les États membres pouvant entraîner une charge administrative substantielle. Aussi, la subsidiarité de la PAC peut conduire à un creusement des inégalités entre les pays et exacerber la concurrence intra-communautaire (Ibidem).

 

La COVID-19 et la PAC

“La crise du coronavirus a montré à quel point nous sommes tous vulnérables et combien il est important de rétablir l’équilibre entre l’activité humaine et la nature.” (Timmermans.F, 2020). Ces mots du vice-président exécutif de la Commission européenne soulignent l’intérêt du pacte vert pour l’Europe, celui de concilier économie et écologie pour notre bien-être. La PAC a montré sa capacité à garantir stabilité, autosuffisance et autonomie à l’agriculture européenne durant la crise sanitaire mondiale de 2020. L’un des challenges pour la période 2021-2027 est de passer d’une politique d’autosuffisance à une politique européenne durable.

 

De la ferme à la table : la promotion de l’économie circulaire

Dans le cadre de la stratégie “De la ferme à la table”, le pacte vert pour l’Europe promeut une économie circulaire – soit une économie verte. L’utilisation des pesticides, la présence excessive de nutriments, la vente des antimicrobiens et l’agriculture biologique sont les principaux points sur lesquels la stratégie se penche. En ce sens, l’UE souhaite atteindre 25% des surfaces agricoles biologiques, réduire le recours aux engrais d’au moins 20% et diminuer de 50% l’utilisation de pesticides dangereux d’ici 2030 (Commission européenne, 2020).

Élever les normes sanitaires et les exigences écologiques de l’UE est également un moyen d’impulser une agriculture mondiale plus soucieuse de la biodiversité (Wojciechowski J., 2019). En effet, l’UE est la première puissance agricole au monde, son influence sur le marché est prépondérante. Les produits importés dans l’UE doivent respecter les normes européennes, cela au même titre que les produits communautaires. Les accords tels que le Japan-EU Free Trade Agreement (JEFTA) ou encore le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) sont en ce sens importants. De plus, les productions agricoles européennes respectant les normes les plus exigeantes sont certifiées et reconnues au-delà de l’UE par ces différents accords de libre-échange. Les productions locales et traditionnelles ne sont pas défavorisées, la qualité et l’ancrage territorial des produits est un atout compétitif dans le schème de la mondialisation, l’identification du produit au territoire est une alternative à la standardisation (Hinnewinke J.C., 2004). Le Japon reconnaît par exemple 200 produits certifiés “Appellations d’Origine Protégée” (AOP) grâce au JEFTA qui a permis d’augmenter les exportations européennes de manière considérable (Commission européenne, 2020).

 

L’agrotech ou la conciliation entre quantité et qualité

La promotion de systèmes agricoles durables et résilients passe nécessairement par le processus de production et de modernisation technologique des systèmes eux-mêmes (Cassman K.G. et al., 2002). Plusieurs technologies actuellement disponibles sont en mesure d’améliorer conjointement les performances environnementales et économiques des exploitations agricoles. Elles représentent des innovations clés pour promouvoir l’agriculture durable et améliorer la résilience du secteur agricole face aux grands défis futurs. Par ailleurs, les innovations numériques récentes offrent la possibilité de proposer de meilleures politiques pour le secteur agricole en aidant à combler les lacunes et les asymétries d’information, à réduire les coûts de transaction liés aux politiques et à permettre aux personnes ayant des préférences et des incitations différentes de mieux travailler ensemble (OCDE, 2019).

Le cadre financier prévu pour la période 2021-2027 marque une baisse dans le budget accordé à la PAC. Cependant, nous avons une augmentation des ressources dans les domaines de la recherche, de l’innovation et de l’environnement qui sont complémentaires à l’agriculture européenne. En ce sens, un budget supplémentaire de 10 milliards d’euros devrait être alloué au programme européen Horizon Europe. Ce dernier concerne notamment les projets de recherche et d’innovation dans les domaines de l’alimentation, de l’agriculture, de la bioéconomie et du développement durable. La modernisation de l’agriculture est l’un des domaines d’action du pacte vert pour l’Europe, la nouvelle technologie dans le secteur agricole est l’une des solutions pour être autosuffisant, compétitif et répondre aux problématiques environnementales.

 

Bibliographie [A-C]

Agence européenne pour l’environnement (AEE), 2019. L’environnement en Europe — État et perspectives 2020.
Disponible en ligne :
https://www.eea.europa.eu/fr/publications/environnement-en-europe-etat-et-perspectives-2020

Bernard-Mongin C., Martin A., 2020. PAC et subsidiarité : vers une nouvelle gouvernance agricole européenne ?, Ministère de l’Alimentation et de l’agriculture.

Cassman K.G., Matson P.A., Naylor R., Polasky S., Tilman D., 2002. Sustainable agriculture and intensive production practices. In Nature , vol. 418, pp. 671-677.
Disponible en ligne :
https://www.nature.com/articles/nature01014

Commission européenne, 2020. De la ferme à la table.
Disponible en ligne :
https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal/actions-being-taken-eu/farm-fork_fr

Commission européenne, 2020. L’agriculture française et l’Union européenne.
Disponible en ligne :
https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/farming/documents/french-agriculture-and-eu-factsheet_fr.pdf

Commission européenne, 2018. Les principaux éléments de l’accord de partenariat économique UE-Japon.
Disponible en ligne :
https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/MEMO_18_3326

Commission européenne, 2013. Présentation de la réforme de la PAC 2014-2020.
Disponible en ligne :
https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/food-farming-fisheries/farming/documents/agri-policy-perspectives-brief-05_fr.pdf

Cour des comptes européennes, 2020. Biodiversité des terres agricoles: la contribution de la PAC n’a pas permis d’enrayer le déclin.
Disponible en ligne :
https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR20_13/SR_Biodiversity_on_farmland_FR.pdf

 

Bibliographie [E-P]

Erjavec E., Lovec M., Juvančič L., Šumrada T., Rac I., Ljubljana University, 2018. The CAP Strategic Plans beyond 2020: appraisal of the EC legislative proposals. European Parliament.
Disponible en ligne :
https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2018/617501/IPOL_STU(2018)617501_EN.pdf

Hinnewinkel J.C., 2004. Les AOC dans la mondialisation. In Anthropology of food, vol. 3. Disponible en ligne :
https://journals.openedition.org/aof/247

Greffet P., Mauroux.A, Ralle.P, Randriambololona. C, 2012. Définir et quantifier l’économie verte. In L’économie française.
Disponible en ligne :
http://audentia-gestion.fr/insee/ECOFRA12e_D3_eco_ver.pdf

Nonnenmacher C., 2019. Janusz Wojciechowski: «Il est essentiel d’inciter les agriculteurs à adopter des pratiques durables». In EuTalk.
Disponible en ligne :
https://www.eutalk.eu/2019/10/01/janusz-wojciechowski-il-est-essentiel-dinciter-les-agriculteurs-a-adopter-des-pratiques-durables/

OCDE, 2019. Digital Opportunities for Better Agricultural Policies.
Disponible en ligne :
https://www.oecd-ilibrary.org/fr/agriculture-and-food/digital-opportunities-for-better-agricultural-policies_571a0812-en

Parlement européen, 2020. Le financement de la PAC.
Disponible en ligne :
https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/106/le-financement-de-la-pac

 

Autore dell’articolo*: Sabine Hamonet,  Studentessa di Master of European Studies all’Università Sorbonne Nouvelle di Parigi. Come sempre pubblichiamo i nostri lavori per stimolare altre riflessioni, che possano portare ad integrazioni e approfondimenti. 

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Nota della redazione del Think Tank Trinità dei Monti

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